Netflix accueille depuis le 6 juin Straw (À bout, en version française), le nouveau long-métrage écrit et réalisé par Tyler Perry. Connu pour ses productions populaires et ses portraits de famille marqués par la résilience, Perry signe ici un drame social resserré et sans effets inutiles. Un film centré sur une mère célibataire dont la vie bascule en l’espace de quelques heures — non pas sous l’effet d’un choc spectaculaire, mais à cause d’un enchaînement d’obstacles ordinaires, banals, presque invisibles, qui finissent par produire l’irréparable.
Le film, porté par Taraji P. Henson dans un rôle tendu et profondément incarné, interroge les failles d’un système qui, à force de dysfonctionner, finit par fabriquer ses propres suspects. À la croisée du réalisme social et du thriller psychologique, Straw n’a rien d’un objet promotionnel clinquant : c’est un film frontal, qui évite les raccourcis moraux et préfère interroger plutôt que juger.
En proposant ce récit brut et resserré sur une seule journée, Perry s’éloigne de ses canevas narratifs habituels pour s’ancrer dans une forme de cinéma plus sobre, presque austère, mais d’autant plus efficace. Straw s’inscrit ainsi dans une tradition discrète mais essentielle du cinéma américain : celle qui préfère l’observation au discours, et la tension à la démonstration.
Une fiction ancrée dans le réel
Le récit s’articule autour de Janiyah Wiltkinson, interprétée avec une grande retenue par Taraji P. Henson. Employée précaire, mère d’une fille souffrante, Janiyah tente simplement de maintenir l’équilibre fragile de son quotidien. Mais tout bascule lorsque, en quelques heures, une succession d’événements ordinaires — un rendez-vous manqué, une altercation, une erreur d’interprétation — la place au centre d’une enquête criminelle.
Un rôle exigeant pour Taraji P. Henson
L’interprétation de Taraji P. Henson constitue l’un des piliers du film. Présente à l’écran presque sans interruption, l’actrice propose un jeu minimaliste, tendu, souvent intériorisé. Le tournage, mené en seulement quatre jours, a été salué pour sa rigueur, et Henson a confié dans plusieurs interviews avoir été marquée par la résonance du rôle avec ses propres expériences de mère isolée.
Une distribution secondaire cohérente
Autour de Henson, le casting secondaire renforce l’ancrage réaliste du récit. On retrouve notamment Sherri Shepherd, Glynn Turman, Teyana Taylor, et Rockmond Dunbar dans des rôles complémentaires. Mention spéciale à Sinbad, de retour à l’écran pour la première fois depuis son AVC en 2020. Son apparition, discrète mais symbolique, marque une volonté claire de Perry de mêler fiction et réel jusqu’au casting.
Une forme sobre, au service du propos
Esthétiquement, le film adopte une mise en scène dépouillée. Les plans sont courts, fonctionnels, souvent tournés en lumière naturelle. La caméra reste proche du personnage principal, collée à ses déplacements, créant une tension presque documentaire. Aucun effet inutile, aucun recours au spectaculaire : Straw fait le choix de l’économie visuelle pour mieux soutenir son récit.
Une trajectoire atypique dans la filmographie de Perry
Tyler Perry, souvent associé à des fictions familiales grand public ou à des récits à tonalité religieuse, signe ici une œuvre plus âpre, plus concise, plus maîtrisée aussi. Straw ne cherche pas à plaire, ni à réconcilier. C’est peut-être son film le plus resserré, mais aussi l’un des plus ambitieux sur le fond.
Avec ce film, Tyler Perry s’inscrit dans une tradition de cinéma social américain à la croisée de The Florida Project, Precious ou Fruitvale Station, sans chercher à les imiter. Straw est une œuvre singulière, lucide, portée par une actrice au sommet de sa maîtrise, et par une mise en scène qui choisit l’effacement plutôt que la démonstration.
Disponible dès maintenant sur Netflix.
Durée : 1h37
Langue : VO anglais (VF disponible)
Scénario et réalisation : Tyler Perry
Avec : Taraji P. Henson, Sherri Shepherd, Teyana Taylor, Glynn Turman, Rockmond Dunbar, Sinbad