Il en rêvait depuis vingt ans — Guillermo del Toro l’a enfin fait. Avec Frankenstein, désormais en tête du Top 10 Netflix, le cinéaste mexicain offre une lecture aussi intime que grandiose du roman de Mary Shelley. Une œuvre où le monstre et son créateur échangent leurs rôles, où la beauté se cache dans la laideur, et où chaque regard compte.
« Je ne choisis pas des visages, je choisis des yeux », confie del Toro. Et cette fois, il a assemblé une distribution à la hauteur de ses obsessions gothiques : Oscar Isaac, Jacob Elordi, Mia Goth, Christoph Waltz, Felix Kammerer, Charles Dance, David Bradley, Lars Mikkelsen… Un casting taillé pour la chair, la douleur et la lumière.
Oscar Isaac, le créateur hanté
Dans le rôle de Victor Frankenstein, Oscar Isaac incarne un savant démiurge, génial et dévasté, oscillant entre la foi du scientifique et la folie du démiurge. Del Toro en fait un artiste maudit, presque rock : « Victor entre dans son laboratoire comme sur une scène », raconte l’acteur. Cette approche donne au film un ton fiévreux, presque romantique.
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Isaac retrouve ici la complexité de ses rôles précédents (Ex Machina, Inside Llewyn Davis, Dune), tout en explorant les abîmes du contrôle et du remords — des thèmes chers à Del Toro.
Jacob Elordi, le monstre réinventé
Face à lui, Jacob Elordi (révélé par Euphoria et Saltburn) prête son corps longiligne et son regard vulnérable à la Créature. Faite de morceaux d’hommes, mais traversée par une conscience neuve, elle devient la métaphore d’une humanité en reconstruction.
Elordi confie s’être reconnu dans ce rôle : « J’avais besoin de me reconstruire, exactement comme lui. Ce tournage a rallumé quelque chose en moi. » Loin du monstre muet des adaptations classiques, celui de Del Toro est une figure blessée et poétique, miroir des limites de la création humaine.

Mia Goth, muse double et magnétique
Mia Goth interprète Elizabeth Lavenza et Claire Frankenstein, mère et fiancée, deux visages d’un même amour perdu. Del Toro lui confie un rôle complexe, à la fois chair du passé et flamme de la rédemption.
La comédienne, déjà inoubliable dans Pearl et Infinity Pool, y trouve une nouvelle variation sur le thème de la métamorphose : « Je n’ai compris Elizabeth qu’une fois dans ses vêtements et dans ses silences. »
Sa présence donne au film sa texture mélancolique — celle d’un monde où le féminin devient la mémoire des hommes qu’il détruit.
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Christoph Waltz, marchand d’armes et de rêves
Christoph Waltz joue Heinrich Harlander, mécène ambigu qui finance les expériences de Frankenstein pour des motifs moins nobles qu’il n’y paraît.
Entre cynisme bourgeois et fascination morbide, Waltz retrouve la précision acide de ses rôles chez Tarantino (Inglourious Basterds, Django Unchained). Il redonne au récit une profondeur historique : la science et la guerre, main dans la main, nourrissant le progrès comme la destruction.

Felix Kammerer et Charles Dance, la filiation en héritage
Révélé dans À l’Ouest, rien de nouveau, Felix Kammerer prête ses traits au jeune William Frankenstein, frère lumineux du savant, fiancé à Elizabeth. Del Toro a glissé dans leur relation une part autobiographique : une tendresse fraternelle menacée par la fatalité.
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En patriarche glacial, Charles Dance incarne Leopold Frankenstein, figure paternelle autoritaire qui façonne le destin de ses fils. Le comédien, inoubliable Tywin Lannister dans Game of Thrones, retrouve ici l’art du contrôle et du non-dit — le poids des lignées, la froideur du pouvoir.
Les présences silencieuses : David Bradley et Lars Mikkelsen
Le vétéran David Bradley (Harry Potter, Game of Thrones, Pinocchio) prête une humanité bouleversante à l’Homme aveugle, celui qui voit le monstre autrement que par sa difformité.
Quant à Lars Mikkelsen, il ouvre le récit dans les glaces de l’Arctique, capitaine perdu découvrant un Victor Frankenstein en fin de course. Deux présences périphériques mais essentielles : l’une incarne la compassion, l’autre la mémoire du récit originel.
Une fresque gothique façonnée à la main
Fidèle à son goût du détail artisanal, Del Toro a façonné Frankenstein comme un conte pictural, entre romantisme noir et tragédie intime.
Des décors baroques aux éclairages teintés d’ambre et de bleu, le film s’impose comme une méditation sur la création, la culpabilité et le regard — celui qu’on pose sur les autres, et celui qu’on fuit sur soi-même.
Fiche programme
Titre : Frankenstein
Réalisation : Guillermo del Toro
Scénario : Guillermo del Toro, d’après Mary Shelley
Durée : 2h32
Pays : États-Unis – 2025
Disponible sur : Netflix
Distribution principale : Oscar Isaac, Jacob Elordi, Mia Goth, Christoph Waltz, Felix Kammerer, Charles Dance, David Bradley, Lars Mikkelsen, Christian Convery





