Alors que Netflix vient de mettre en ligne Monstre : L’histoire d’Ed Gein, les spectateurs plongent une nouvelle fois dans la genèse du mal — celle des tueurs en série dont les crimes ont façonné la culture populaire. Parmi les figures croisées au fil des épisodes, un nom trouble revient : Richard Speck. Son apparition n’est pas anodine. L’homme, meurtrier de huit infirmières à Chicago en 1966, incarne l’héritage morbide d’Ed Gein, celui d’une fascination qui traverse les générations de tueurs.
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Le lien entre Ed Gein et Richard Speck
Dans la série, Speck est montré dans sa cellule, troquant sexe et faveurs contre des cigarettes ou de la drogue, tout en écrivant à Gein. Ces lettres fictives, inspirées de témoignages réels sur la fascination qu’exerçaient les grands criminels les uns sur les autres, servent à illustrer l’idée que Gein n’a pas seulement terrorisé l’Amérique : il a inspiré d’autres meurtriers.
Cette correspondance souligne un phénomène bien réel dans les prisons américaines : celui de la mythification du tueur en série. Richard Speck, incarcéré à vie, était connu pour s’être mis en scène dans des vidéos sordides dans les années 1990, se vantant de sa notoriété. Dans Monstre : L’histoire d’Ed Gein, cette dimension narcissique est amplifiée — Speck apparaît comme le miroir dégénéré du culte macabre entourant Gein.
Le massacre des infirmières : un choc national
Le 13 juillet 1966, à Chicago, Richard Speck s’introduit dans un dortoir d’infirmières. En quelques heures, il viole et assassine huit jeunes femmes, âgées de 19 à 24 ans. Une seule parvient à s’échapper en se cachant sous un lit. L’Amérique découvre alors le visage d’un tueur ordinaire : un docker alcoolique, violent, tatoué d’un glaçant “Born to Raise Hell”.
Son procès, largement médiatisé, ouvre une ère nouvelle pour la criminologie américaine. Pour la première fois, les journalistes décrivent en détail les motivations, la personnalité et les fantasmes d’un tueur multiple. Speck devient, malgré lui, l’un des premiers “monstres médiatiques” de l’histoire du crime moderne.
L’ombre de Gein et la construction du “monstre américain”
Ed Gein, mort en 1984 dans un hôpital psychiatrique, n’a jamais connu Speck. Mais dans la série, leur mise en parallèle fonctionne comme une métaphore. Gein représente le tueur rural, enfermé dans un univers de dévotion et de perversion ; Speck, lui, incarne la violence urbaine, brute et désinhibée.
Les deux partagent pourtant un point commun : leur influence sur la culture populaire.
Gein a inspiré Psychose, Massacre à la tronçonneuse ou encore Le Silence des agneaux.
Speck, quant à lui, a contribué à ancrer la figure du tueur réaliste — celui dont la monstruosité se cache sous une banalité absolue.
Dans Monstre : L’histoire d’Ed Gein, cette filiation prend tout son sens : la série montre comment un meurtrier rural des années 1950 a pu nourrir l’imaginaire d’autres tueurs, de Jerry Brudos à Richard Speck, jusqu’à Ted Bundy lui-même.
Un symbole du voyeurisme criminel
La présence de Speck dans la série met aussi en lumière un thème central : la fascination collective pour le crime. Dans une société saturée d’images, les monstres deviennent des figures de spectacle. Speck, filmé en prison dans une atmosphère presque carnavalesque, cristallise cette dérive : celle d’un pays qui ne sait plus très bien s’il veut comprendre ses tueurs ou simplement les regarder.
Le legs d’Ed Gein, de Speck et des autres
La fin de la série montre Ed Gein vieillissant, rongé par la maladie, tandis que son “héritage” se propage dans les esprits de tueurs plus jeunes. Richard Speck n’est pas là par hasard : il incarne la génération suivante, celle qui ne tue plus par foi ou délire mystique, mais pour le frisson du pouvoir et la gloire d’être vu.
À travers lui, Monstre : L’histoire d’Ed Gein dépasse la simple reconstitution historique. Elle observe comment un crime peut devenir un mythe, et comment ce mythe finit par contaminer le réel.
En bref
Richard Speck, figure secondaire de la série, est bien plus qu’un nom parmi d’autres : il symbolise la descente d’un pays dans le spectacle du meurtre. Si Ed Gein a ouvert la voie aux monstres de fiction, Speck, lui, a ancré la terreur dans la banalité du quotidien.