Après Faux Profil et Medusa, Netflix continue d’explorer les névroses modernes sous le prisme colombien. Ce 18 juillet, la plateforme déploie Delirio, adaptation ambitieuse du roman culte de Laura Restrepo, prix Alfaguara 2004. Entre paranoïa intime et cicatrices sociales, cette série psychologique en 8 épisodes s’annonce comme un miroir tendu à l’inconscient familial et collectif.
Une femme, un effondrement, un pays en arrière-plan
Bogotá, années 80. Une crise nerveuse soudaine. Une femme mutique, perdue dans ses propres limbes. Et un mari qui rentre d’un voyage banal pour retrouver l’impensable : Agustina (Estefanía Piñeres), devenue étrangère à elle-même. Le récit commence là, dans cette déflagration silencieuse.
Fernando Aguilar (Juan Pablo Raba), professeur et époux, cherche des réponses. Mais Delirio ne livre rien facilement : la narration, morcelée, suit les échos d’une mémoire défaillante, entre flashbacks, hallucinations et souvenirs filtrés par le regard des autres.
Un héritage littéraire et politique
Adaptée par Verónica Triana et Andrés Burgos, mise en scène par Julio Jorquera Arriagada (Los 80), Delirio conserve l’ossature expérimentale du roman original. Ce n’est pas simplement l’histoire d’un couple. C’est aussi celle d’un pays : la Colombie au mitan des années 80, prise entre ultraviolence, héritages patriarcaux et luttes de pouvoir.
Comme le rappelle El Tiempo, l’œuvre de Restrepo n’est pas une fresque historique, mais bien un prisme déformant à travers lequel se réfracte la mémoire collective. Le délire d’Agustina devient alors celui d’une société entière — qui refoule ses fantômes politiques aussi bien que ses blessures familiales.
Des performances ancrées dans l’intime
Le casting joue la carte de l’incandescence contenue. Juan Pablo Raba (Narcos, Distrito Salvaje) compose un Fernando troublé mais pudique. Estefanía Piñeres (La Nieta Elegida) incarne une Agustina déstabilisée, entre grâce et vertige.
À leurs côtés :
Juan Pablo Urrego en Fredy, ancien amant revenu du passé,
Paola Turbay, matriarche ambivalente,
Salvador del Solar, Cristina Campuzano, Jose Julián Gaviria complètent ce jeu de rôles à haute tension.
Un signal fort pour la fiction colombienne
Netflix le confirme : les séries colombiennes n’ont jamais été aussi visibles ni aussi soutenues. Depuis Faux profil jusqu’à Goles en Contra, les productions locales conjuguent désormais exigence esthétique et portée internationale.
Avec Delirio, Netflix s’appuie sur un socle littéraire solide et une production locale pilotée par TIS Services, avec le soutien de CINA (Colombia Film Fund). Le tournage, réalisé entre Bogotá et des décors intérieurs stylisés, joue sur une palette visuelle inspirée du cinéma post-dictature argentin (cf. La Historia Oficial, El Secreto de Sus Ojos), où l’obsession devient une forme de résistance.
Fiche technique
Élément | Détail |
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Titre original | Delirio |
Adaptation de | Delirio de Laura Restrepo (2004) |
Format | Mini-série de 8 épisodes |
Date de sortie | 18 juillet 2025 |
Plateforme | Netflix (monde entier) |
Créateurs | Julio Jorquera Arriagada, Rafael Martínez |
Scénario | Verónica Triana, Andrés Burgos |
Production | Netflix, TIS Services, appui du CINA |
Pourquoi on va en parler
Parce que Delirio ne coche pas les cases de la série “tendance”. Elle explore plutôt les zones grises — là où l’amour se fissure, où la santé mentale devient énigme, où l’histoire laisse des traces invisibles. Dans un paysage de séries souvent formatées, ce projet colombien trace une ligne de faille plus qu’un récit balisé. Et c’est précisément ce qui pourrait en faire une œuvre majeure de l’été.